Les Vignes de la Duchesse

Je regardais dubitative les va et vient, la maison, garage, et dépendances tout était investi, vidé, la razzia complète. BB muré dans le silence, crispé, semblait vouloir tout ignorer.

Les réflexions ironiques ou désagréables fusaient au passage des uns ou des autres. S faisait figure de veuve spoliée, et nous étions les méchants envahisseurs vénaux et sans cœur. Une bande de gamins déçus, qui se sentaient fort de par leur nombre, et s’entraînaient à hausser le ton.

Durant la semaine j’avais appris par S 20 ans que K la soixantaine passée, avait à priori un peu arrangé la réalité. Les filles de K à l’étranger, pas intéressées par le domaine, S et sa famille pensait que l’endroit était dorénavant le leur. Je ressentais de la compassion pour elle et pensais qu’on avait abusé de sa crédulité, qu’elle était déstabilisée par la situation et sans doute gentille…

Je comprenais leur déception, mais néanmoins il aurait fallu rétablir la vérité pour clarifier la situation et éviter cette ambiance qui commençait à me chauffer sérieusement les oreilles.

"Et le sel il appartient aussi à la SCEA sûrement ?"

"Sûrement oui tout comme probablement la petite culotte que votre amie a sur les fesses et jusqu’à la dernière petite cuillérée aussi. Vous feriez bien de demander à S de vous expliquer les choses avant que je ne me mette en colère vire tout le monde en interdisant d’emporter quoi que ce soit tant que S n’aura pu prouver que cela lui appartient. Je vous prie également de cesser vos sarcasmes et de baisser d’un ton sinon vous allez prendre mon poing sur la gueule, suis-je assez claire ?

S très mal à l’aise calma le jeu en disant qu’elle expliquerait, que ce n’étais pas la peine de se disputer. Et fit activer le mouvement pour vider les lieux.

Le calme enfin, et la désolation devant l’état des lieux… J’étais furieuse après BB et décidais qu’il valait mieux passer mes nerfs sur le manche à balai, en évitant de céder à la tentation de lui casser sur la tête.
J’avais dit retrousser ses manches eh bien allons-y !!!…

La semaine qui suivie fut éprouvantable, S. préparait son déménagement…
En se levant à midi et en passant une bonne partie de son temps au téléphone forcément cela pouvait durer longtemps…Sa famille et ses amis devaient venir prendre le chargement sur le WE.

Lors de l’acquisition du domaine B.B. avait fait installer une salle de bain et tout meublé. Connaissant son goût pour les belles choses je ne voyais pas ce qu’il aurait pu acquérir dans ce bric à brac. Peu en subsistait en fait, et S. ignorait ,tout sur tout, oui elle avait vu, mais ne savait pas ce qu’il était advenu, des meubles, mais aussi de tous les documents comptables administratifs et bancaires de la SCEA. A se demander si elle avait réellement habité là !

Le lendemain de notre arrivée je suis allée à la supérette de Saint-Chinian au ravitaillement, et faire le plein d’eau de javel, et tous articles de ménage qui s’imposaient. Avec quel plaisir j’ai décapé la baignoire !

Outre le fait de vivre dans une telle saleté, j’avais beaucoup de mal à supporter les comportements de BB qui allait de compromis en compromis, et celui de S qui jouait dans le registre mensonges et contradictions…

D’un naturel respectueux et matinal, je ne voulais pas faire de bruit à l’aube et partais faire de grandes balades sur le domaine avec les chiens. Quelle beauté… Toutes ses senteurs pour moi inhabituelles, les bruyères les cistes… Tout me ravissait, je puisais là paix, sérénité, je me ressourçais en abreuvant mes sens, chassant mes doutes et mes envies de « ruer dans les brancards »… Qui allaient devenir des envies de rixes…